Atef Maatallah El Fahs, 1981
Atef Maatallah est né en 1981 à Al Fahs, Tunisie, ville qui est au coeur de son travail. Revisitant les codes de la figuration narrative dans ses peintures, dessins et mosaiques, Atef Maatallah dissèque la réalité à travers la représentation d'images de la vie ordinaire, hantée par des personnages que l'artiste rencontre, parsemés de détails allégoriques et d'éléments symboliques. En guidant notre regard, les compositions de Atef Maatallah modifient notre rapport au visible, elles renversent les hiérarchies, elles incitent à la contemplation. Une œuvre qui crée le pont entre le visible et l'invisible, entre son histoire intime et celle de sa terre natale à travers les thèmes de la mort, la sensualité, le spirituel.
Diplômé de l'Institut Supérieur des beaux-arts de Tunis, il a poursuivi sa formation à la Cité des arts de Paris. Depuis 2010, il a participé à de nombreuses expositions en Tunisie et à l'étranger, représenté par la galerie Elmarsa à Tunis et Dubai, son travail est régulièrement présenté dans les foires internationales à Dubaï, Abu Dhabi, Londres, Paris et New York. En 2012, il est membre actif du collectif Politics qui expose à Tunis et à l'étranger. Ses œuvres ont été exposées dans des expositions telles que L'Institut des Cultures de l'Islam de la Ville de Paris en 2016, Me.Na Pavilion à Singapour en 2014 organisée par Catherine David du Centre Pompidou, Atef a reçu le second et le premier prix du dessin en 2015 et 2016 au salon DDessin à Paris. La même année, il est en résidence pour la seconde fois à la Cité internationale des arts de Paris. Il a été sélectionné par les éditions Phaidon pour leur nouvelle publication Vitamin D3 (2021): Today's Best in Contemporary Drawing. Entre 2021 et 2022, il réalise une peinture murale de 90 m2 « Les bâtisseurs » pour la façade de l'immeuble du centre culturel 32Bis à Tunis. Ses œuvres font partie de collections publiques et privées en Tunisie, en Europe et au Moyen-Orient. Atef Maatallah vit et travaille à Tunis.
Mohamed-Ali Berhouma : S'archeographier les terres intérieures. Quelques incursions dans les dessins de Atef Matallah.
[Extraits du texte du catalogue de l'exposition "Les bruissements de la pierre ", (Elmarsa Gallery,Tunis, Avril 2018 et Dubai, Mai 2019)]
Les œuvres récentes de Atef Maatallah présentent des dessins sur papier Canson et quelques mosaïques cartographiant les terres intérieures de l'enfance de l'artiste passée a "antika", un refuge pour y jouer et se divertir au milieu des ruines du site archéologique Thuburbo Majus, et fuir l'ennui de la ville d'El Fahs. Ces œuvres récentes étendent l'intérêt de l'artiste pour l'histoire liée à notre relation au temps et les dichotomies entre mémoire individuelle et mémoire collective, réalité humaine et réalité historique.
Un mouvement préside aux voies que dessinent l'artiste : le recueillement, le retour sur soi autour du foyer premier. Ce foyer, ce lieu à partir duquel rayonne cette série de dessins, est celui auprès duquel se réfugie un corps qui a froid ; c'est d'abord le foyer familial, le foyer d'une terre natale. Une archéologie du soi fouille les cendres froides d'une vie intérieure en quête des braises encore ardentes d'une âme. Et ce sont les souvenirs de l'ennui d'une enfance qui allait chercher ses jeux du côté de l'« antika », du site archéologique de Thuburbo Majus ; souvenirs aussi d'un morne quotidien pesant sur la ville d'El Fahs que l'on fuyait vers les ruines, se délivrant ainsi du lieu, se délivrant aussi du temps. Sans doute, est-ce, que dans cet ailleurs d'un autre temps, le quotidien s'évanouit dans l'immensité des siècles et que les murs citadins s'écroulent pour un horizon de plaines ; ce sont aussi les souvenirs des croyances populaires que de vieilles pierres soufflent aux oreilles des vivants. Avant que le nom de Thuburbo Majus ne fut déterré, il y avait Henchir el-Kasbat et aux pierres muettes qui affleuraient déjà les sols, on avait taillé des légendes à leur mesure : ce lieu où gisait le pied et la tête d'un monumental Jupiter et de gigantesques pierres sculptées ne pouvait être qu'un pays de géants ; mais ces colosses ne sont plus et il ne reste qu'un site vide prêt à s'emplir de vastes fables. Un Victor Guérin relevait déjà en 1860 que les habitants de la région nommaient l'une des citernes du site « Damous er-Rouah », le « souterrain des âmes » : on y aurait « jeté les cadavres de plusieurs hommes assassinés, […] les âmes de ces malheureux voltigent sans cesse autour de l'orifice de la citerne, pour réclamer vengeance.
La déserte « antika » était habitée par les légendes rurales et contemporaines qu'inspirait un urbain antique. Elle devient le lieu des imaginaires qu'un enfant composait, en décomposant, par jeu, les tessons d'un fragment de mosaïque ou en faisant rouler ses billes de marbres dans la poussière des siècles, qu'un berger rêveur devinait d'entre les touffes laineuses de son troupeau, qu'une ivresse, enfin, divaguait lorsque les pierres rejouaient les bacchanales qu'elles abritaient.