Baya Mahieddine (1931 - 1998): Baya : Femmes, oiseaux, fleurs et luth
"Quand je peins, je suis heureuse, je suis dans un autre monde, j'oublie tout"
Parallèlement à l’exposition « Baya, icône de la peinture algérienne. Femmes en leur Jardin » de l’Institut du Monde Arabe à Paris, la galerie présente une sélection d’une dizaine d’œuvres réalisées entre 1960-1990, années du plein épanouissement de l'œuvre de Baya Mahieddine (1931-1998). Artiste autodidacte, Baya a éduqué son regard à la fois par la nature, et par l’art, en particulier Matisse qui avait acheté plusieurs de ses gouaches depuis 1943. Baya avait son propre langage visuel imaginaire, son individualité. Son travail est inclassable mais ancré dans ses origines arabo-berbères.
Les premières peintures de Baya, réalisées à l’âge de 13 et 14 ans, sont exécutées dans un style artistique « enfantin » ou naïf, mais le dessin vigoureux, les couleurs vives et les motifs dynamiques, qui mettent en lumière des figures féminines mêlées à la flore et à la faune, révèlent un instinct inné pour la composition et la couleur. Ses sculptures en argile et ses gouaches sont remarquées par André Breton, qui a exposé l’une des gouaches de Baya à l’Exposition Internationale du Surréalisme en juin 1947, et par le collectionneur et marchand d’art français Aimé Maeght qui l’invite à exposer dans sa galerie à Paris en novembre de la même année. Elle n’avait alors que 16 ans. Son travail, si important pour l’esthétique surréaliste, enthousiasme Breton qui écrit la préface du catalogue de l’exposition et s’exclame: « Baya est reine ». En 1948, elle fait la couverture du magazine Vogue avec un texte d’Edmonde Charles Roux.
Son travail a également séduit Picasso, lorsque les deux artistes travaillaient dans le même atelier de céramique Madura ou Baya était invitée pour une résidence d’artiste dans le sud de la France. Elle y passe ses étés de 1948 à 1952, travaillant aux côtés de Picasso. Braque, Christian Bérard, François Mauriac ont contemplé ses œuvres. Tout le monde a reconnu quelque chose de plus qu’un simple talent. Une faculté d’invention, un sens inné dans le rapport entre les couleurs et les formes, une intuition miraculeuse dans sa connaissance du décoratif. Alors que ses contemporains peintres algériens tels que Mohammed Khadda et M’hamed Issiakhem expérimentent l’abstraction et le fauvisme, Baya poursuit son exploration d’un langage visuel figuratif qui s’ancre dans le surréalisme. Plus tard dans sa carrière, Baya a rejoint le groupe Aouchem (dont le nom signifie « tatouages ») fondé par les artistes algériens Denis Martinez et Choukri Mesli, avec qui elle a régulièrement exposé.
Après son retour en Algérie en 1953, Baya épouse le célèbre musicien arabo-andalou El Hadj Mahfoud Mahieddine et se consacre à sa famille durant la turbulente guerre d’indépendance de 1954 à 1962. Elle décline une invitation pour s’installer en France, affirmant ainsi son identité algérienne. Elle s’installe avec sa famille à Blida, en Algérie : c’est la fin d’une époque. En 1963, Baya reprend les pinceaux et retourne à son atelier après dix ans d’absence, encouragée par Jean de Maisonseul, Directeur du Musée National des Beaux-arts d’Alger, qui lui organise une exposition cette année-là puis en 1964 à Paris. Depuis lors, Baya s’est consacrée à sa peinture et a régulièrement exposé en France et en Algérie jusqu’à sa mort le 9 novembre 1998.
Depuis sa première exposition en 1947 à Paris, Baya occupe une place singulière dans l’histoire de l’art de la deuxième moitié du XXe siècle. En 1982, le Musée Cantini de Marseille lui consacre une exposition inaugurée par le président François Mitterrand en présence du Maire d’Alger et du ministre de la Culture, Jack Lang. En 1986, elle participe à la 2e Biennale de La Havane, Cuba. En juillet 1987, elle reçoit les honneurs du président algérien Chadli. Consacrée en Algérie, en France et au Moyen-Orient, Baya a acquis une reconnaissance internationale avec la première exposition nord-américaine en 2018, « Baya : Women of Algiers » à la Grey Art Gallery NYU organisée par Natasha Boas. En 2021, le Sharjah Art Museum organise l’exposition « Lasting impressions : Baya Mahieddine », et en 2022 l’Institut du Monde Arabe à Paris présente « Baya, icône de la peinture algérienne. Femmes en leur Jardin » jusqu’au printemps 2023. Ses œuvres font partie des collections prestigieuses dans le monde.